Dans le cadre de ses visites, la CNPT a mené des entretiens confidentiels avec des personnes requérantes d’asile ainsi qu’avec des responsables, des collaboratrices et des collaborateurs des entreprises chargées de l’encadrement et de la sécurité mais aussi du Secrétariat d’État aux migrations (SEM). La commission a mis l’accent sur les mesures de sécurité, la prévention de la violence ainsi que les conditions de vie des familles avec enfants et des personnes mineures non accompagnées.
Observations concernant différents centres fédéraux d’asile visités (Embrach, Zurich, Dübendorf):
- La commission constate qu’outre les fouilles de chambres en cas de soupçon concret, des contrôles réguliers sont également effectués en dehors de tout soupçon particulier. La manière de pratiquer ces contrôles fait qu’ils peuvent facilement donner l’impression d’être des fouilles, ce qui constitue une atteinte systématique à la vie privée des personnes concernées. La commission recommande de renoncer aux contrôles réguliers sans soupçon, car ils affectent de manière disproportionnée le droit à la vie privée.
- Les responsables de prévention de la violence peuvent ordonner un time-out à titre de mesure de sécurité aux personnes requérantes d’asile qui perturbent la cohabitation ou qui ont un comportement problématique. Pendant cette période, les personnes concernées doivent quitter le CFA ou séjourner dans les salles d’attente. Les time-outs sont signalés dans des rapports, mais ils ne font pas l’objet d’une décision et d’une documentation formelle. En tant que mesure disciplinaire, une exclusion permet de sanctionner certains comportements par une exclusion des zones généralement accessibles du CFA, pour une durée de huit heures au maximum. Ces deux mesures sont suspendues pendant la nuit et les heures de repas. Plusieurs personnes ont déclaré n’avoir pas été informées de cette suspension. Les exclusions sont systématiquement documentées et font l’objet d’une décision formelle. La CNPT recommande de veiller à ce que l’ensemble des collaboratrices et des collaborateurs fassent clairement la distinction entre une mesure de sécurité et une mesure disciplinaire. Elle propose également de documenter systématiquement les time-outs.
- À chaque retour en centre d’hébergement, des fouilles corporelles systématiques sont effectuées, indépendamment de tout soupçon. Le consentement de la personne requérante d’asile n’est pas demandé. La commission recommande de ne procéder à des fouilles corporelles qu’en cas de soupçon concret et d’ancrer cette règle dans la loi.
- Des améliorations sont encore nécessaires en matière de prévention de la violence. Outre le développement d’une conception partagée et de processus clairs, il est en particulier nécessaire de renforcer les mesures de désescalade précoce et d’approfondir la formation initiale et continue des collaboratrices et des collaborateurs.
- Dans tous les CFA, différents groupes de personnes sont hébergés séparément. À l’exception de Dübendorf, des installations sanitaires séparées sont disponibles.
- Dans certains cas, plusieurs familles ont été hébergées dans la même chambre. La commission recommande de prendre des mesures appropriées pour préserver l’intimité lorsque plusieurs familles sont hébergées dans la même chambre (p. ex. cloisons).
- Des responsables de prévention de la violence étaient présents dans les CFA de Zurich, Embrach et dans la salle polyvalente de Dübendorf. La commission recommande de faire appel à des responsables de prévention de la violence dans tous les CFA.
- La formation des responsables de prévention de la violence s’avère lacunaire, et ces personnes étaient souvent chargées de tâches administratives s’ajoutant à leur travail. La commission rappelle sa recommandation de former de manière adéquate les responsables de prévention de la violence à leur tâche et à leur rôle, et d’éviter de leur confier d’autre activités.
- Dans les trois cas connus de violences sexuelles, les collaboratrices et les collaborateurs ont rapidement pris des mesures de protection, informé les personnes concernées de leurs droits et assuré un soutien professionnel externe. La commission salue cette manière de procéder.
- Dans les trois CFA mentionnés, les agentes et les agents de sécurité étaient équipés de gel au poivre, y compris dans les bâtiments destinés aux personnes mineures non accompagnées ou aux familles avec enfants. La commission recommande de manière générale d’interdire l’utilisation de produits chimiques irritants à l’intérieur et de renoncer au port de gel au poivre.
- Le personnel de sécurité présente encore des lacunes dans des domaines clés de la formation : les compétences telles que la désescalade, les techniques de transport ou la gestion du risque d’asphyxie positionnelle sont souvent acquises par le biais d’une « formation sur le tas ». La commission rappelle sa recommandation de prévoir une formation nettement plus approfondie et plus longue pour le personnel de sécurité.
- La commission se félicite de la mise en œuvre des recommandations relatives à la transition des personnes mineures non accompagnées à l’âge adulte. Une période transitoire de trois jours est désormais systématiquement accordée pour le transfert, et l’information relative à la décision d’accession à l’âge adulte est communiquée par la représentation légale et non par le personnel d’encadrement.
- L’alimentation des enfants en bas âge est insuffisante, car ils reçoivent les mêmes repas que les adultes, avec pour seule alternative des yogourts. La commission recommande de veiller à une alimentation suffisante et complète pour les enfants en bas âge, conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
- Malgré la prescription d’une alimentation spéciale pour les personnes diabétiques par le service de santé du CFA, celle-ci n’était pas mise en œuvre lors des repas. La CNPT recommande de garantir une alimentation adaptée aux personnes ayant des besoins alimentaires spécifiques pour des raisons médicales.
- La commission salue le travail d’intérêt général effectué par les personnes requérantes d’asile à la cuisine de production du CFA d’Embrach. Elle regrette toutefois l’absence de cuisine de production au CFA de Zurich, malgré ses nouvelles infrastructures, et l’interdiction d’utiliser la cuisine de production du CFA de Dübendorf pour cuisiner avec la participation des personnes requérantes d’asile.
- Des vestiaires aménagés sont disponibles dans tous les CFA. La commission juge positif que les personnes requérantes d’asile puissent choisir et essayer elles-mêmes les vêtements et les chaussures. Il manque parfois des vêtements pour hommes, ainsi que des vêtements et des chaussures adaptés à l’hiver. La CNPT recommande de veiller à ce que tous les CFA disposent de suffisamment de vêtements pour hommes, en petites et grandes tailles, ainsi que de vêtements et de chaussures adaptés à l’hiver.
Concernant le centre fédéral d’asile de Dübendorf
- Le centre ne présentait pas d’espace douche protégé réservé aux femmes et aux jeunes filles. Les toilettes étaient également mixtes et utilisées par tous. Cette configuration des douches et des toilettes n’offre pas une protection suffisante de l’intimité. La commission recommande de garantir à toutes les personnes requérantes d’asile l’utilisation séparée des douches et des toilettes pour les hommes et les femmes.
- Les collations n’étaient distribuées que lors des repas principaux et, en dehors de ces horaires, elles n’étaient proposées que sur demande. Mais la plupart des personnes requérantes d’asile n’en étaient pas informées.
Concernant le centre fédéral d’asile d’Embrach
- Lors de l’utilisation de la salle de sécurité, les personnes requérantes d’asile ont été déshabillées dans le vestibule jusqu’à ne garder que leur t-shirt et leur caleçon, et leur détention dans la salle de sécurité sous vidéosurveillance s’est également déroulée dans cette tenue. La commission rappelle que le déshabillage et le placement en sous-vêtements dans la salle de sécurité sous vidéosurveillance constituent un traitement dégradant et recommande de mettre fin immédiatement à cette pratique. La CNPT se félicite que, suite à cette critique, la directive pour la région d’asile ait été rapidement adaptée et que le déshabillage jusqu’aux sous-vêtements soit désormais expressément interdit.
- Des personnes mineures ont également été placées en salle de sécurité. La commission recommande à nouveau que les personnes mineures ne soient pas détenues dans des salles de sécurité par des agents de sécurité privés.
Concernant le centre fédéral d’asile de Zurich
- La salle de sécurité n’a pas été utilisée en 2024. Elle ne dispose toutefois ni de toilettes, ni d’accès à l’eau, ni de chaise ou de possibilité de s’allonger. La commission recommande d’améliorer cette infrastructure.
- Les salles d’attente sont régulièrement utilisées la nuit pour héberger les personnes qui rentrent tardivement, ainsi que pour abriter temporairement les personnes requérantes d’asile fortement alcoolisées ou sous l’influence d’autres substances et qui se comportent de manière agressive. La commission constate que l’hébergement dans une salle séparée la nuit peut, selon les situations, contribuer à préserver le repos nocturne et la sécurité des autres personnes requérantes d’asile. Les salles d’attente ne sont toutefois pas adaptées comme chambres à coucher, car elles n’offrent ni protection visuelle ni intimité en raison de la vidéosurveillance et des baies vitrées. La commission recommande de mieux protéger le droit à la vie privée lors de l’hébergement de personnes requérantes d’asile dans la zone d’accueil.
- Les conflits quotidiens ont suscité un sentiment d’insécurité chez les familles avec enfants et les femmes seules. La commission recommande de veiller à ce que des mesures appropriées soient prises pour garantir la sécurité et le sentiment de protection des personnes requérantes d’asile, en particulier des familles avec enfants.
Concernant le centre fédéral d’asile de l’aéroport de Zurich
- Malgré la durée maximale de séjour de 60 jours prévue par la loi, plusieurs personnes y ont séjourné plus longtemps. La commission estime qu’un séjour dépassant 60 jours constitue une privation de liberté. Elle recommande d’examiner d’autres possibilités d’hébergement offrant une plus grande liberté de mouvement pour les séjours de longue durée.
- Le service de santé ne dispose pas d’un local séparé permanent. La confidentialité des examens médicaux n’est donc guère assurée. La commission recommande de mettre à disposition un local adapté.
- La commission salue la possibilité de cuisiner soi-même au CFA.
Le rapport correspondant de la CNPT et les prises de position du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) sont disponibles ici [en allemand].