Le 18 septembre 2024, le Conseil national a adopté à 104 voix contre 87 de nouvelles règles de sécurité pour les personnes logées dans les CFA et leur personnel. Sur deux points il va plus loin que les propositions du Conseil Fédéral : La zone autour des centres d’accueil doit être agrandie, dans laquelle des mesures disciplinaires peuvent être prises à l’encontre des requérant-e-s d’asile dont le comportement représente une menace pour la sécurité et l’ordre publics. En outre, le personnel du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) doit pouvoir confisquer les appareils électroniques des requérant-e-s d’asile, comme les téléphones portables, afin de garantir la sécurité et l’ordre public. Le projet est maintenant soumis au Conseil des États.
Le projet de loi adopté par le Conseil National est une réaction aux nombreux rapports faisant état d’incidents de violence commis par le personnel de sécurité à l’encontre de résident-e-s des CFA. Ces incidents ont été signalés entre autres par les organisations « Solidarité Tattes », « 3 Rosen gegen Grenzen » et « Droit de Rester ». Amnesty International a publié un rapport intitulé « Je demande que les requérants d’asile soient traités comme des êtres humains », qui a étayé les déclarations de ces organisations de base.
Le SEM a réagi en lançant une enquête interne et en chargeant l’ancien juge fédéral Oberholzer de rédiger un rapport. Ce dernier porte sur plusieurs cas individuels, est très étayé et l’ancien juge a conclu que la violence dans les CFA n’était pas « systématique ». Le SEM a limité sa communication sur le rapport à cette conclusion – une démarche que l’on peut toutefois qualifier d’incomplète.
Aucune des organisations susmentionnées n’a jamais affirmé que la violence était « systématique ». De nombreuses personnes dans les CFA n’ont jamais été agressées ou maltraitées par le personnel de sécurité. Une lecture plus approfondie du rapport montre en revanche que la violence dans les centres a des causes tout à fait systémiques. Elle est rendue possible, voire favorisée, par les conditions structurelles qui règnent dans les CFA. Parmi ces conditions, on trouve :
- le caractère carcéral des centres,
- l’isolement social et physique des résident-e-s,
- un règlement intérieur faits de règles incompréhensibles et parfois indignes, comme par exemple des réveils à 7h du matin pour ranger les chambres, pas de repas ou de versement d’argent de poche en cas de retard,
- des mesures répressives disproportionnées, comme les fouilles systématiques sans soupçon concret ou l’usage de moyens auxiliaires,
- des conditions de travail précaires pour le personnel de sécurité et d’encadrement,
- le manque d’accès aux soins de santé physique et mentale, notamment en matière de prévention des troubles psychiques,
- l’absence de concept de prévention ou d’encadrement des addictions,
- aucune perspective pour de nombreux résident-e-s en attente d’expulsion,
- une culture de méfiance généralisée,
- planification insuffisante du personnel qui mène à des phases de surcharge de l’encadrement et de la sécurité,
- une disproportion entre le nombre d’agent-e-s de sécurité et le nombre de travailleur-e-s sociaux.
La loi adoptée par le Conseil National a certes l’avantage de réglementer les mesures répressives, ce qui est un premier pas nécessaire. Elle peut contribuer à prévenir des incidents graves, mais elle ne résout en aucun cas le problème de la violence dans les CFA. Une approche plus compréhensive des problèmes structurels susmentionnés serait bien plus efficace.
En effet, les mesures décidées par le Conseil National ne permettent pas de remédier aux problèmes fondamentaux qui sont susceptibles d’être à l’origine de la violence dans les CFA. Il serait plutôt souhaitable que le Conseil des États adopte des mesures qui améliorent durablement la situation des personnes concernées – c’est-à-dire aussi bien le personnel que les résident-e-s – au lieu de continuer à lutter contre les symptômes en étendant le périmètre et en confisquant les appareils électroniques.